Des sources officielles espagnoles ont confirmé la fuite du général algérien Abdelkader Haddad, surnommé « Nasser le Diable », qui a quitté l’Algérie par la mer Méditerranée à bord d’une embarcation rapide durant les premières heures du matin entre le 18 et le 19 septembre. Un rapport, daté du jeudi 25 septembre, émanant du bureau de la délégation gouvernementale à Alicante, a attesté que le général en fuite est bien arrivé sur la côte de la Costa Blanca espagnole, démentant ainsi les rumeurs sur son arrestation.
Haddad, qui a dirigé la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI) – l’une des agences de renseignement les plus puissantes d’Algérie – pendant un an, était une figure militaire notable. Cependant, il a été destitué de son poste pour des raisons obscures il y a quatre mois, transféré dans des prisons militaires à Blida et Béchar, puis placé sous assignation à résidence dans une villa à El Madania, un quartier huppé d’Alger. Il devait bientôt comparaître devant la justice pour des accusations dont les détails n’ont pas été révélés.
À son arrivée à Alicante, Haddad a déclaré avoir choisi de fuir après avoir pris connaissance d’un projet d’assassinat visant à le supprimer avant son procès, notant que sa mort aurait été présentée comme un suicide. Il possède des biens immobiliers en Espagne et avait déjà trouvé refuge à Alicante à la fin de la décennie précédente, fuyant les purges menées par l’ancien chef d’état-major, le général Ahmed Gaïd Salah, contre le général Mohamed Mediene et ses alliés dans la Sécurité intérieure.
Réactions des autorités algériennes
La fuite de Haddad a provoqué un émoi au sein des milieux militaires et politiques algériens, où l’on estime qu’il détient des secrets sensibles sur l’élite dirigeante. En réponse, la police et la gendarmerie nationale ont déployé un important dispositif à Alger, avec des hélicoptères survolant la ville et des contrôles de sécurité renforcés du vendredi au dimanche. La surveillance aux frontières avec la Tunisie a également été accrue.
Des rapports évoquent une atmosphère similaire à celle de la « décennie noire » des années 1990, lorsque l’armée algérienne s’est affrontée à des groupes armés islamistes (GIA). Malgré ces efforts colossaux, qualifiés d' »opération de la cage », les autorités n’ont pas réussi à appréhender le général en fuite. Son expérience sur le terrain, acquise lors de la guerre civile, l’aurait aidé à éviter les filets de la sécurité. Haddad était réputé pour sa capacité à tendre des pièges et infiltrer des agents au sein des groupes armés, bien qu’il ait également été accusé d’exactions durant cette période.
Conséquences de la fuite
La fuite de Haddad a entraîné des conséquences immédiates, notamment le licenciement du général Mahrez Gheribi, chef de la Direction Centrale de la Sécurité de l’Armée, chargé de superviser Haddad. Cet incident souligne les luttes de pouvoir persistantes au sein des hautes sphères militaires algériennes, où des généraux puissants peuvent se retrouver incarcérés du jour au lendemain. Selon le journal « Le Monde », environ 200 officiers de haut rang, dont une trentaine de généraux, se trouvent actuellement dans les prisons algériennes.
Espagne : refuge pour les élites algériennes
L’Espagne est une destination privilégiée pour de nombreux militaires et politiciens algériens cherchant à acquérir des biens immobiliers et à s’y réfugier en temps de crise. Le général Khaled Nizar, ancien chef d’état-major et ministre de la Défense, s’était réfugié à Barcelone en 2019 avant d’être condamné à 20 ans de prison pour « complot contre l’État », puis revenu en Algérie avant son décès en décembre 2023. Dans un autre cas, le colonel Omar Ben Chaïd et son fils ont trouvé la mort à Alicante en 2001, renversés par un train, un incident qui a suscité des interrogations de la part de la police espagnole.
Contexte de la chute de Haddad
Selon le journaliste algérien Frid Aliilat, la chute de Haddad serait liée à ses enquêtes sur des affaires de corruption et des transactions douteuses impliquant des proches du président Abdelmadjid Tebboune et de ses aides. Aliilat s’interrogeait dans un article de « Le Point » : « Ces enquêtes menacent-elles les intérêts et les trajectoires des plus puissants du pays ? » Haddad avait, de manière indirecte, apporté son soutien à Tebboune pour sa réélection en septembre 2024, après sa nomination à la tête de la DGSI en juin de la même année.
Silence médiatique et spéculations
La presse algérienne n’a pas diffusé d’informations officielles concernant la fuite de Haddad, se contentant de la couverture des réseaux sociaux. L’Agence de Presse officielle (APS) a annoncé la tenue d’une réunion du Conseil Supérieur de la Sécurité le jeudi, présidée par le président Tebboune, en présence du chef d’état-major de l’armée, le général Saïd Chengriha, ainsi que des dirigeants des agences de sécurité, sans préciser les raisons de cette réunion. La fuite d’Abdelkader Haddad met en lumière la fragilité des équilibres au sein des élites militaires algériennes et renforce le statut de l’Espagne en tant que refuge pour les élites en exil. La question demeure : quels secrets Haddad emportera-t-il avec lui et quelle sera leur influence sur le paysage politique algérien ?



